ANDIRAN – Concert exceptionnel en hommage à l’abbé Raymond de Smedt disparu il y a un an
Le discours du Chef de Chœur Eric Canovas
Chers anciens, chers amis, merci d’être là ce soir pour rendre hommage à l’abbé ; merci aussi aux nombreux bénévoles sans qui l’œuvre n’aurait pu voir le jour, je pense bien sûr à Madame Porcal ici présente. Merci d’être là avec j’imagine cette envie de partager le souvenir de cet homme hors du commun, et quel homme ? Curé oui, bien sûr mais aussi artiste passionné jusqu’au bout des ongles, chaviré par les émotions mettant avec conviction son engagement musical au service des jeunes enfants que nous étions. Curé oui, mais aussi entraîneur de l’équipe de football d’Andiran, vitupérant après l’arbitre lorsqu’il était en désaccord avec lui, animateur socioculturel quand nous partions en tournée, nous sociabilisant petit à petit en nous nommant responsable de pupitre, du matériel d’orchestre, du couchage, des finances, des partitions, de la quête, de la vente des disques et des programmes… Oui, nous, si petits, sortis à peine du cocon familial, heureux de cette parenthèse musicale sans les parents… Il nous faisait confiance, il croyait en nous, il aimait la jeunesse, il nous faisait voyager. C’était, vous le savez, un pari fou : arriver à faire chanter plus de 317 poulbots ruraux qui ne connaissaient rien à la musique et les emmener plusieurs fois en tournée autour du monde.
C’était aussi une voix, un violoniste, un chef d’orchestre contrarié par la guerre puis l’exode. Il posera ses valises à Lyon intègrera la maîtrise de la cathédrale en tant qu’alto puis deviendra plus tard après bien des périples directeur de la manécanterie des Petits Chanteurs d’Andiran. Notre chef de chœur nous prodiguait ses conseils inlassablement et nous l’écoutions infatigablement comme des morts de faim unis par le chant et l’amitié. Il avait un sacré caractère comme un sacré coup de fourchette, un caractère bien trempé tel qu’on les aime en Gascogne, des projets plein la tête et des envies de créer jusqu’à son dernier souffle.
Lorsqu’il m’a transmis le témoin du chœur, il est venu chanter sous ma direction en tant que ténor ; je dois avouer que je n’en menais pas large. Puis il est revenu écouter le chœur d’hommes. Il me donnait son avis sur tel morceau, sa conception, sa couleur. Il était heureux, heureux que ce soit un ancien petit chanteur qui prenne le relais.
Chaque génération de petits chanteurs aura ses souvenirs propres, permettez-moi toutefois de descendre les ruelles de l’enfance à Mézin en 1968, la rue des trois poches et de la Cité d’ouvrir en grand la porte d’une petite chapelle pour vous faire entrapercevoir un grand homme à l’accent si particulier me tendre la main avec sa façon bien à lui de dire bonjour et de vous regarder droit dans les yeux. L’homme s’est assis à l’harmonium, m’a demandé de chanter et je me suis retrouvé alto sans trop savoir ce que cela voulait dire, j’avais 9 ans, c’était mon premier jour à la mané.
Puis tout s’est enchaîné les concerts, les tournées en France et à l’étranger et nous voilà ce soir réunis pour lui, pour nous souvenir, toutes générations confondues par plus de cinq décennies d’activités musicales parce que nous avons les mêmes liens du chant choral a cappella, le même A D N. Cette même passion qui nous rassemblait hier nous rassemble aujourd’hui dans ce lieu : Andiran ! C’est un retour aux sources, pour honorer la mémoire de celui qui par amour du chant a contribué à nous rendre peut-être plus tolérants, plus curieux, plus ouverts au monde et a suscité au sein de la mané bien des vocations. C’était un optimiste, rien ne l’arrêtait, c’était une bonne personne.
Permettez-moi d’associer à cet hommage notre ancien choriste et ami Jean-Louis Didelot ainsi que tous les anciens petits chanteurs qui nous ont quittés et d’avoir une pensée émue pour les victimes de fanatiques qui refusent aujourd’hui l’art en général et particulièrement le chant. Ce sera pour nous désormais une manière de résister et d’affirmer notre culture contre l’obscurantisme. Nous poursuivrons notre route en chantant, cette si belle route initiée par l’abbé, il y a plus de cinquante ans quand au printemps venaient les roses…
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Final particulièrement émouvant ou les anciens « Petits Chanteurs » de « la mané » ont rejoint le Chœur d’Hommes du Pays d’Albret pour deux chants.
Photos Paulette & Francis SIGL